le 21 février 2025 10 minutes

William Di Marco (Big Mamma) : “Aujourd’hui, tout le monde veut être le Big Mamma de quelque chose”

Au départ, Big Mamma n’était pas grosse. Mais elle vite pris du poids, pour devenir la première « collection de restaurants » en Europe.

L’aventure commence en 2013, lorsque deux jeunes pleins d’avenir (HEC, début de carrière en finance, …) décident de se lancer non pas dans la tech, mais dans l’alléchant business de la restauration. La promesse est simple : des bons produits, des prix ultra accessibles, et une immersion en Italie le temps d’un repas – le beurre et le sourire de la crémière dirait l’autre. Pour cela, quoi de mieux que la nourriture italienne ? Xavier Niel et d’autres grands noms de l’entrepreneuriat français mettent un billet pour voir, et voilà Tigrane Seydoux et Victor Lugger sur les routes de l’Italie, à la recherche de ce qu’il leur faudra de mozza, de prosciutto et de pizzaioli.

La première adresse, Mamma Gorda, ouvre dans le sud de la France en 2014. A nous deux, Paris, se disent alors les fondateurs. East Mamma ouvre un 3 avril dans le onzième arrondissement de Paris et dépasse les attentes : des files entières d’amateurs de pizzas se forment devant la devanture de cet immense restaurant aux allures de cantine fleurie. Les serveurs ont l’accent italien, l’ambiance y est légère, la pizza margherita est à 5 Euros. Cela semble trop beau pour être vrai.

Du coup…est-ce bien tenable ? Ober Mamma ouvre quelques mois plus tard, avant d’être rejoints par Popolare, Pink Mamma, et même un immense Big Mamma hébergé dans la Station F… Le groupe a cinq ans, les restaurants tournent à plein régime, le CA grossit à grand feu. Cela commence à créer de nouveaux enjeux et de nouvelles envies de la part des deux fondateurs. Rentabilité, conquête du monde. « Rien n’est impossible », répètent-ils. En voilà un programme. Pour les aider à le concrétiser, un petit tour de table est mené, et un CFO est recruté. Il s’appelle William Di Marco (oui, c’est italien). Il a fait ses classes dans de gros groupes, dans lesquels il géré pas mal de gros problèmes. A ce stade, lui aussi a envie de changer de braquet, et pourquoi pas, de « changer le monde avec des pizzas ». Il quitte les grosses enseignes pour rejoindre l’aventure Big Mamma, et l’aider à structurer sa croissance. Un premier restaurant ouvre à Londres. Puis c’est Madrid, Munich, Berlin, Bruxelles. Big Mamma se paie même l’audace d’ouvrir un restaurant à Milan. Rien, effectivement, n’est impossible.

Puisque William sera parmi nous aux Sommets, on en a profité pour lui poser quelques questions sur la stratégie de la Mamma, des fois qu’on arrive à reproduire ça avec des fondues.

 

William, tu as rejoint le groupe début 2019. Quelle était ta feuille de route ?

Quand je suis arrivé dans le groupe, les fondateurs venaient de réaliser un dernier tour de table auprès d’investisseurs et d’ouvrir un premier restaurant en province, à Lille. Big Mamma comptait donc à ce stade huit restaurants, et affichait quelques dizaines millions d’euros de chiffre d’affaires.

C’était le moment de changer d’échelle, et surtout de structurer le groupe et sa croissance. Nous avions commencé par deux grands objectifs, d’une part la mise en rentabilité du groupe, et de l’autre le déploiement de restaurants en France et à l’international, à commencer par l’Angleterre. Six ans plus tard, le groupe possède 27 trattorie dans sept pays, ainsi que 9 petites cuisines pour adresser le marché de la livraison.

Tu veux dire que malgré leur succès commercial retentissant, le modèle économique n’était pas forcément toujours pérenne ? 

Disons que la promesse de Big Mamma, à savoir faire « bon, pas cher, servi avec le sourire, dans des lieux expérientiels tous les jours de l’année», rend le business model complexe et les moindres erreurs impactent la rentabilité. Mais c’est aussi ce qui nous a différencié de la concurrence à l’époque, ce qui a créé la satisfaction de nos clients, et le succès commercial. . Nous avons su créer des institutions dans les grandes capitales européennes. C’était par exemple le cas du restaurant Popolare, en plein centre Paris, donc avec un foncier important, mais dont la première pizza du menu était à 5 euros. Rapidement, c’est devenu la cantine des étudiants, qui venaient se partager une margarita. Financièrement, ce n’était pas soutenable, surtout qu’il était hors de question de revenir sur la qualité et l’origine des produits. Nous avons dû réfléchir à modifier l’offre pour qu’elle soit plus pérenne, en augmentant un peu les prix, forcément. La contrepartie, c’est que nos restaurants sont de plus en plus beaux.

Le Circolo popolare, à Madrid

Tu l’as dit, l’autre promesse de Big Mamma, c’est l’Italie, dans l’assiette et dans la salle. Vous ne travaillez pratiquement qu’avec des petits producteurs italiens et employez du sta quasiment intégralement italien. Pour un CFO, ces choix doivent parfois être frustrants, non … ?

Il peut y avoir des échanges passionnés au sein du COMEX pour savoir jusqu’ou on met le curseur ! 

Cela dit, l’avantage de l’Italie, c’est que beaucoup de petits producteurs sont basés dans les mêmes régions voire villes, ce qui facilite l’accès à des volumes significatifs de produits sans trop peser sur la logistique. Bien sûr, il serait plus facile d’aller négocier avec des industriels, mais Big Mamma s’est construite sur cette promesse de garantir des bons produits, et de faire travailler des producteurs passionnés.

Et sur la partie sta … Tout le personnel est-il vraiment italien ?

L’autre pilier de l’expérience client repose effectivement sur l’italianité des restaurants. Les chefs et les serveurs sont presque tous italiens, ce qui ne va pas sans générer de la complexité supplémentaire d’un point de vue gestion. Pour vous donner une idée, le groupe à géré jusqu’à 90 appartements dans Paris pour loger près de 300 salariés avant le COVID.

L’expérience repose aussi sur l’atmosphère des restaurants, connus pour leur déco joyeuse voire exubérante… 

L’objectif des fondateurs était que les clients s’offrent un voyage en Italie pour moins de 25 euros. Après la nourriture et le staff, le troisième pilier de l’expérience était donc le design. A mesure que le groupe s’est développé, nous avons investi de plus en plus dans le design et avons même créé un studio de design dans le groupe, basé au Royaume Uni. C’est cela qui nous a permis d’oser débarquer à Milan. Là-bas, nous savions que nous ne ferions pas la différence avec la nourriture, ni l’accent italien. Il fallait donc que nous apportions quelque chose d’autre en plus, une touche artistique pour sublimer l’expérience.

La pizzeria popolare, à Paris

Vous reproche t-on parfois d’importer le concept de la chaine de restaurants, comme on en voit beaucoup en Angleterre, et qui semblent avoir remplacé les petits établissements ?

Nous ne sommes pas une chaine, avec des restaurants standardisés, mais une collection de restaurants. Chaque restaurant est différent, unique dans son nom, sa décoration, son esprit, son menu. Certains peuvent être classiques ou festifs, d’autres plus chics… Là encore, il serait plus facile et rentable de tout standardiser, mais ce n’est pas l’esprit Big Mamma. Le fait d’être une collection et non une chaine de restaurants nourrit nos équipes, notre créativité, et plait aux clients.

Et vous, vous n’avez jamais été tenté de vous lancer sur d’autres cuisines ?

Nous avons essayé de faire des burgers, avec un restaurant à Marseille, adossé à notre trattoria Splendido. Mais nous n’avons pas trouvé le business model compatible avec nos contraintes. Nous pensions que nous saurions réussir, mais nous avons eu la preuve que ce n’était pas toujours le cas. Cela nous a incité à nous recentrer sur ce que nous faisons de mieux, et de miser sur davantage de simplicité.

Vous vous êtes néanmoins diversifié sur les services que vous proposez à vos clients, n’est-ce-pas ?

Pendant le covid, nous avons développé les prémisses d’une app de paiement qui est devenu SUNDAY, qui marche aujourd’hui très bien. Et nous avons développé un nouveau business de delivery avec Napoli Gang.

C’était une période à la fois très difficile pour le groupe, forcément, mais qui a permis d’imaginer de nouveaux services que l’on utilise toujours. 

Parlons performance, qui sera notre petite obsession aux Sommets cette année. Quels sont les KPIs que vous utilisez chez Big Mamma ?

Nous en avons six, trois financiers, et trois extra-financiers.

Les financiers sont le chiffre d’affaires, l’EBITDA, et le cash flow. Les non- financiers sont : la note clients, qui est le KPI le plus important du Groupe car c’est, pour nous, le nerf de la guerre, le turnover du staff -un vrai enjeu aussi dans notre secteur -, et notre note B Corp.

 

Le restaurant Gloria, à Milan

Vous êtes certifiés B Corp depuis plusieurs années déjà… en quoi cela a influencé votre développement ?

C’était la volonté initiale des fondateurs d’avoir la démarche la plus vertueuse possible dès le départ, et ce pour durer les cinquante prochaines années. B Corp a été un moyen de structurer tout cela. Nous avons obtenu la certification B Corp en 2018, et en 2021 sommes devenus entreprise à mission. Après, nous évoluons dans un secteur où c’est le volet social de la RSE qui est le plus significatif. Un restaurant, quand on y pense, c’est le plus bel ascenseur social qu’on puisse imaginer : vous pouvez passer de petit pizzaiolo de Naples à responsable d’un Big Mamma à Paris en quelques années à peine.

Pourquoi viens-tu aux Sommets cette année ?

Je suis très intéressé par la programmation de cette année, avec des intervenants que j’ai hâte d’entendre et de rencontrer, surtout dans les conditions privilégiées qu’offre un événement comme les Sommets

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Les Sommets, qu’est-ce-que c’est ?

Les Sommets, ce sont 2 jours pour respirer, s’inspirer et penser les grands enjeux de transformation auxquels les entreprises font face.

Au programme, des masterclass en présence d’experts de haut-vol, des interviews de CEOs, des ateliers, des “walking-conf”, des cafés, des tisanes, des fondues, et des soirées dont les Sommets ont le secret pour créer des connexions humaines et neuronales privilégiées.

Envie de nous rejoindre, seul, avec vos associés ou avec votre équipe ? D’organiser votre séminaire aux Sommets ?

N’hésitez pas à nous contacter sur contact@les-sommets.fr. Pass individuel à partir de € 1200 HT, € 990 HT à partir de 2 pass. Soirée Masterclass et dégustation de Smith Haut-Lafitte en supplément (places limitées).

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