Sébastien Vandenbergh – “Il n’y a plus une société qui ne soit plus basée sur l’informatique”
Sébastien est un geek, mais un geek comme on les aime, entrepreneur et sympathique.
Depuis 2015, il dirige la branche de services numériques de TechFirm, en Suisse, qu’il a lui-même fondé. Huit ans et 160 collaborateurs plus tard, il nous raconte comment ça se passe dans une boite dont la mission est d’accompagner d’autres boites sur les enjeux tactiques et technologiques de leurs projets à l’heure du tout digital, de l’IA, des cyberattaques et tout et tout.
Comment dirais-tu qu’ont évolué les demandes de vos clients depuis dix ans ?
Depuis quelques années, on observe une orientation du marché vers le nearshore, après de nombreuses années tournées vers l’offshore. Entre 2010 et 2015, les projets informatiques ont beaucoup été confiés à des personnes basées en Inde. On en revient désormais de plus en plus, en raison des coûts cachés associés à ces projets, dont les couts d’encadrement. Aujourd’hui on a plutôt tendance à s’appuyer sur des ressources au Portugal, Espagne ou en Europe de l’Est, dont nous sommes plus proches en terme de géographie mais aussi de culture.
Le corollaire de ça, c’est que là où il y a quelques années on cherchait beaucoup de développeurs, on cherche aujourd’hui beaucoup de chefs de projets, analystes, testeurs, intégrateurs…
La transformation digitale semble derrière nous : qu’est ce que cela a changé de manière générale pour les entreprises ?
On se rend compte aujourd’hui qu’il n’y a plus une société qui ne soit plus basée sur l’informatique. Un industriel, par exemple, dépend désormais de l’informatique pour organiser et écouler sa production, mais aussi pour gérer sa logistique. L’informatique est partout.
Cette dépendance à l’informatique n’est-elle pas devenue une fragilité ?
Si, sauf si on sait bien se protéger, ce qu’il faut à mon sens faire à trois niveaux :
D’abord renforcer au maximum le lien entre les développeurs d’applications et les opérations IT, et automatiser leurs tâches, de manière à ce que si un problème surgit dans l’utilisation de l’app on sache rapidement identifier où il se situe pour le régler. C’est ce qu’on appelle le DevOps. En s’assurant que les tâches et responsabilités de chacun soient très clairement compartimentées, on gagne énormément en réactivité et fluidité. Ensuite il y a le problème de la cybersécurité, qui est devenu un enjeu énorme pour les entreprises. Le troisième sujet qu’il faut désormais aussi adresser en entreprise, c’est celui de l’IA, qui pour beaucoup d’organisations n’est encore qu’un buzzword. Ici, l’enjeu est d’apprendre à s’en servir pour ne pas être dépassé demain. Car si les entreprises ne font pas cet effort, elles perdront en compétitivité, mais aussi en attractivité pour leurs recrutements.
“Il est très compliqué de sécuriser à 100% un système d’information, mais beaucoup plus simple de bien l’architecturer”
Les entreprises ne savent pas encore se servir de l’IA ?
Aujourd’hui la plupart des entreprises s’en servent surtout comme d’une sorte de Google amélioré, c’est à dire pour poser des questions. ChatGPT va certes plus loin sur la qualité des réponses, il est capable de synthétiser, mais au fond c’est un peu le même principe. L’IA, c’est une toute autre dimension. Dans l’automobile par exemple ils l’utilisent pour savoir sur quels marchés ils peuvent vendre tel ou tel modèle de voiture. Ils font tourner des prototypes pendant quelques heures sur un circuit, captent plein d’indicateurs, et l’IA se charge ensuite de tout compiler et de comparer aux régulations de chaque marché pour savoir si le véhicule est compatible. Sans l’IA, il faut une batterie de juristes pendant des semaines avant d’arriver à la même réponse. Le « time to market » est grandement réduit.
En parallèle de ces progrès incroyables, on ressent un certain besoin de simplification des outils, notamment chez les collaborateurs. Penses-tu que l’avenir soit à la simplification, voire réduction des outils informatiques ?
Je ne crois pas que nous allons revenir à des logiciels et techniques plus simples. C’est un peu l’essence de l’informatique que d’aller de plus en plus loin. Et les développeurs seront toujours avides d’innovations.
Revenons aux cyberattaques. Comment les entreprises peuvent-elles se protéger ? Doivent-elles revenir aux sauvegardes papier ?
Si une entreprise veut minimiser l’impact d’une cyber-attaque sur son activité, il faut qu’elle commence par construire son système d’information en pensant qu’il peut tomber à tout moment. Et donc de prévoir à chaque étape des mécanismes de résilience permettant à toutes les informations et données d’être systématiquement sauvegardées et rapidement réutilisable. Imaginez un système qui prédit des ventes pour organiser la production. S’il se fait attaquer aujourd’hui mais que j’ai conservé les résultats de mes calculs d’hier, je ne suis certes pas très précis, mais je peux tout de même continuer de produire sur la base de prévisions récentes. Si je n’ai pas sauvegardé ces données et que tout doit être recalculé… tout s’arrête. C’est très compliqué de sécuriser à 100% un système d’information. C’est beaucoup plus simple de bien l’architecturer.
Les développeurs sont devenus des ressources clé, et donc extrêmement recherchées. Comment faites-vous pour les attirer chez vous plutôt que dans les pépites de la tech ?
Il y a à mon sens deux critères qui jouent un rôle important dans leur décision. Le premier c’est l’environnement et la culture de l’entreprise : la façon dont on manage et traite les collaborateurs est très importante. Le second tient en notre capacité à les nourrir régulièrement de projets stimulants. D’ailleurs, une évolution qui moi m’interpelle beaucoup, c’est la façon dont l’écart se creuse désormais de plus en plus entre les bons développeurs et les excellents développeurs. Avec l’IA, surtout, les meilleurs éléments vont beaucoup plus loin, beaucoup plus vite que les autres.
Quid de la flexibilité et du télétravail ?
La flexibilité reste en effet importante pour attirer les talents, bien que ce soit moins vrai aujourd’hui qu’il y a quelques années. Depuis récemment, on observe plutôt une volonté de revenir travailler dans des bureaux, pas forcément tous les jours, mais de manière régulière pour conserver un lien social important avec les collègues.
Tu es un habitué des Sommets. Que viens-tu y chercher ?
J’adore bien sur la bulle d’air que cela procure. Mais je viens aussi y chercher des idées et challenger les miennes. Quand je suis aux Sommets, je me sens à la fois challengé dans mes idées et entouré dans mes questionnements. Et puis c’est un endroit formidable pour sentir les tendances de l’époque, en management, mais aussi de manière plus large.
Y a t’il des interventions des années précédentes qui t’ont particulièrement marqué ?
J’ai beaucoup aimé la capacité de Serge Papin, il y a deux ans, à prendre des positions fortes et à les assumer. L’année dernière j’ai été impressionné par David Merle, de Bonneval Waters : pour moi, il incarne (comme d’autres !) la quintessence de l’entrepreneur, capable de se lancer dans des projets assez dingues en prenant de gros risques. Et puis je me suis régalé avec la chronique humoristique de Thomas Wiesel, qui incarne vraiment bien l’esprit des Sommets, empreints d’auto-dérision. C’est très important d’être capable de cela. Et ça fait du bien.
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Les Sommets, qu’est ce que c’est ?
Les Sommets, ce sont 3 jours pour s’inspirer et respirer, et repenser l’entreprise de demain. Au programme, des masterclass, des échanges sans filtre, des interviews live, des ateliers indoor et outdoor, le fameux télécabine pitch, des déjeuners, des diners, et enfin des soirées dont les Sommets ont le secret.
Avec en filigrane l’objectif de créer de nouvelles connexions : entre les neurones, entre les problématiques, entre les gens.
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