le 27 janvier 2025 6 minutes

Marion Darrieutort (The Arcane): “Les dirigeants doutent beaucoup plus qu’avant”

Le leadership a ceci de fascinant qu’il ne se laisse pas facilement décrire, encore moins enfermer.

Un peu comme l’or, il est rare, précieux et décisif. Tous ou presque savent le reconnaitre, beaucoup s’épuisent à le chercher. Peu en possèdent en grande quantité, et personne n’en fait exactement la même chose. Mais son pouvoir est immense : il rend les choses possibles.

Marion Darrieutort fait partie de ces leaders dont le job consiste à observer le leadership des autres pour en comprendre et canaliser la force. Depuis plus de vingt-cinq ans, d’abord au sein de l’agence de communication TBWA puis de ELAN, qu’elle a fondée puis revendue au groupe Edelman, avant de se lancer dans une nouvelle aventure entrepreneuriale avec The Arcane, elle conseille des dirigeants d’entreprises dans leur stratégie d’influence et leur gouvernance, afin de les aider à bâtir une « performance positive ». 

Marion Darrieutort préside également le Think Thank Entreprises et Progrès, est co-fondatrice du Siècle des Femmes, avec Delphine Ernotte, et a été élue Entrepreneure de l’année 2023 par le magazine Stratégies.

En amont de sa participation des Sommets, Marion nous a livré quelques pistes de réflexions sur le leadership de demain. 

 

Marion, tu parles quotidiennement avec des dirigeants d’entreprises, certaines faisant partie du CAC 40. Qu’observes-tu actuellement de leur état d’esprit ? 

J’observe une inquiétude quant à l’incertitude de l’époque, qui se manifeste à tous les niveaux – géopolitique, politique, social etc -, ce qui est assez nouveau. Il y a une vraie prise de conscience par les dirigeants de la fragilité du monde, et de leur responsabilité. Clairement, ils sont, comme nous, soucieux du pays, de leurs équipes et des équilibres sociaux. Dans une période comme celle que nous vivons, ils se disent qu’ils doivent rester des capitaines de navires et se montrer robustes, ce qui demande beaucoup de courage et de discipline.

J’observe aussi une certaine forme de sobriété, qui s’est confirmée dans les voeux qu’ils ont partagés à l’occasion des fêtes de fin d’année : il était intéressant de voir que la plupart d’entre eux adoptaient un profil relativement bas.

 

Quelles sont à ton sens les qualités les plus indispensables dont les dirigeants d’entreprises doivent aujourd’hui faire preuve ?

Au vu de la diversité des défis auxquels ils sont confrontés actuellement, ils doivent allier robustesse et agilité.

Il faut bien réaliser qu’ils doivent gérer toutes les transitions d’un coup. Cela en amène la plupart à douter beaucoup plus qu’avant. Ils sont amenés, en permanence, à se reposer des questions, voire à désapprendre ce qu’ils avaient appris. 

Le leader “pop” est un leader engagé, qui n’a pas peur de descendre dans l’arène et prendre position de sur de grands sujets sociétaux ou politiques

Tu t’intéresses beaucoup à la posture du leader,et as récemment publié un livre, Le temps des leaders pop ! : changer les chefs pour changer le monde. Les dirigeants d’entreprises peuvent-ils et doivent-ils changer le monde ?

Plus que jamais, les entreprises semblent être les mieux placées pour faire face aux défis du monde. C’est d’ailleurs ce qui ressort des sondages réalisés auprès des français lorsqu’on leur demande à quelles institutions ils font le plus confiance pour relever les défis de l’époque. Il en ressort que les entreprises jouissent d’un niveau de confiance supérieur à celui des politiques, des médias, de la société civile etc. Cela met une pression élevée sur les dirigeants d’entreprises, qui en plus de gérer leurs défis stratégiques et managériaux doivent désormais transmettre de la confiance à leurs collaborateurs et aux citoyens dans leur ensemble. 

 

Et le « leader pop », dans tout ça ?

Le leader pop est un dirigeant Populaire, Ouvert, et Politique, dans le sens engagé. C’est un leader qui n’a pas peur de descendre dans l’arène et de prendre position sur les grands sujets d’actualité ou défis du moment. Nous l’avons bien vu pendant la guerre en Ukraine, pendant laquelle des patrons d’entreprises étaient sommés de se positionner sur le conflit. 

C’est aussi celui qui ne va plus simplement inspirer la confiance, mais également insuffler un mouvement, donner une envie. C’est celui qui va arriver à cultiver et transmettre l’envie de gagner, non pas au sens de performance, mais plutôt de créer toujours, de se surpasser en permanence.

Le leader pop, c’est un peu le numéro 10 du rugby, autrement dit le dépositaire de la stratégie globale du jeu, tout en étant un joueur parmi les autres, dépendant des autres.

Les leaders d’aujourd’hui doivent faire savoir preuve d’une grande capacité d’introspection

Et c’est un leader ouvert, capable d’introspection …

Oui. A mon sens le leader pop est celui qui accepte une certaine forme de spiritualité, qui cherche à mieux se connaitre pour mieux accueillir et travailler avec les autres. Les leaders de demain doivent être capables de s’interroger sur la pertinence de leur leadership, de se demander si leur façon de diriger est encore adaptée à la société dans laquelle ils évoluent et aux personnes qu’ils encadrent. Et si ce n’est pas le cas, ils doivent être capables de se demander si et comment ils peuvent s’y adapter. Leur capacité d’introspection est clé. 

 

Tu t’attaques dans le livre à la notion de performance, trop souvent érigée en objectif final voire unique des entreprises : en quoi la recherche de performance peut-elle être un problème ?

L’injonction de « délivrer » peut être source de créativité et d’innovation. Mais lorsque l’objectif de rentabilité devient une obsession, cela devient problématique. Avoir la rentabilité pour seul horizon, c’est conduire l’entreprise à sa ruine, en l’empochant d’être créative, d’innover, d’expérimenter, de poursuivre un sens. A quoi bon afficher de bons résultats, si ce que l’on produit ou propose n’est pas en résonance avec le monde ? L’objectif de rentabilité seule ne peut emmener les collaborateurs. 

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