Laetitia Carle, COO et CEO France de Greenly : Les entreprises qui ne cherchent pas à réduire leurs émissions risquent l’obsolescence.
Laetitia Carle, Ceo de Greenly
En 2019, deux anciens (mais encore jeunes, forcément) de Withings (Alexis Normand et Matthieu Vegreville) et un ancien (jeune aussi) responsable de la communication digitale du cabinet du ministre (Arnaud Delubac) lancent Greenly. Au commencement de l’histoire, il s’agit d’une app destinée aux particuliers désireux de calculer leur bilan carbone à partir de leurs données bancaires, et plus précisément l’historique de leurs dépenses. Rapidement, des entreprises de taille intermédiaire s’intéressent à ce service, souhaitant l’utiliser pour produire leur comptabilité et leur reporting, alors qu’elles n’en ont pas l’obligation légale. Pourquoi ? Et bien tout simplement pour optimiser leurs chances d’êtres choisies comme prestataires par des grandes entreprises, qui elles doivent désormais rapporter leurs émissions indirectes liées à leurs fournisseurs (le fameux Scope 3).
Tiens, tiens, se disent les fondateurs de Greenly : n’y aurait-il pas quelque chose à faire avec ça ?… L’heure du “pivot” est arrivée. Un an après sa création, Greenly décide de se concentrer sur le B2B pour aider les PMEs à mesurer et réduire leur empreinte carbone, leur permettant de cette manière d’être plus attractives pour leurs clients. La start-up lève d’abord 2,5 millions, puis 21 millions de plus en 2022, poursuivant ainsi son bonhomme de chemin, qu’elle veut international.
En aout 2023, Greenly compte environ mille clients et dispose d’une masse critique de données lui permettant de passer la vitesse supérieure. La start-up décline son outil par industries, et passe le relai à l’IA pour faire le tri et les calculs, avec une précision beaucoup plus fine. Au printemps 2024, Greenly génère dix millions de CA et compte 2600 clients, PME et ETI. C’est suffisant pour lever 49 nouveaux millions et élargir son ambition, tant au niveau de la typologie d’entreprises visées qu’au niveau géographique. Il faut dire qu’avec la directive européenne CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) sur la durabilité des entreprises passée en 2023, le reporting non-financier a le vent dans le dos. Mais est-ce uniquement cela qui dope la croissance de Greenly ?
Laetitia, quelles sont les motivations réelles des entreprises qui ont recourt à vos services ?
En tout premier lieu, nos clients font appel à nous pour répondre eux-mêmes à une demande de leurs clients, car ils doivent pouvoir leur fournir les données sur leurs émissions.
En second lieu je dirais le financement : avec les nouvelles réglementations, les banques donnent de meilleurs taux d’intérêt aux entreprises performantes en termes d’émissions. Cela permet également d’aller taper à la porte de certains fonds, notamment les fonds à impact, qui désormais rapportent les trajectoires d’émissions de tous leurs portefeuilles.
En troisième lieu je dirais les ressources humaines : être performant sur la durabilité permet d’attirer et retenir les talents.
En quatrième lieu je dirais la compliance, pour les plus gros de nos clients, qui doivent rapporter leurs chiffres.
Ce sont donc uniquement des motivations purement « business oriented » ?
Bien sur, certains se disent aussi que c’est la bonne chose à faire. Mais c’est une motivation plus fragile, et plus fluctuante, surtout en temps de difficultés économiques.
Quel est le risque aujourd’hui des entreprises à ne pas être proactives ou sérieuses sur la réduction de leurs émissions ?
C’est un risque d’obsolescence. C’est le risque, pour une marque, de ne pas être prise au sérieux par les consommateurs, ou de se voir exclue d’appels d’offres à cause d’un poids trop lourd dans le scope 3 des clients. Le risque financier est important avec le coût de l’accès au capital, comme les taux d’intérêts que je mentionnais avant. Enfin, un réel risque de compétitivité en restant dans l’ancien monde alors que l’économie toute entière avance vers un modèle plus durable.
En quoi aidez-vous les entreprises à concilier les deux objectifs, à savoir performance business et performance environnementale, et avec quels résultats ?
Les deux vont souvent dans le même sens. Tout d’abord, il y a un aspect coût. La sobriété est souvent synonyme de durabilité, alors beaucoup des actions de réduction que nous recommandons sont plus économes sur le long terme que coûteuses pour l’entreprise. Il y a ensuite tous les avantages business que j’ai mentionnés : meilleure compétitivité, coût du capital optimisés, etc. La trajectoire de réduction est au cœur de la stratégie climat, c’est pourquoi nous avons une équipe de consultants qui proposent des plans d’action personnalisés, et des trajectoires alignées sur SBTi (Science Based Target Initiative).
As-tu des exemples concrets d’actions que les entreprises peuvent mettre en place de manière relativement facile dans leur organisation pour réduire leurs émissions ?
Les actions de réduction dépendent fortement du secteur d’activité. Pour les entreprises de la technologie comme nous, la principale source d’émissions est notre cloud. Nous avons par exemple changé notre fournisseur de cloud pour avoir des instances en France, ou l’énergie est moins carbonée. Schématiquement, pour des entreprises industrielles, il faut regarder du côté des fournisseurs de matières premières ou procédés de production. Pour des entreprises de service, les déplacements professionnels. Quoi qu’il en soit, nous constatons que former des champions internes dans les entreprises est très efficace.
Vous voulez vous développer aux US et en Angleterre. Pourquoi ces deux marchés, qui doivent être déjà très convoités ?
Nous sommes présents dans ces deux géographies depuis plus de 2 ans, et elles représentent la moitié de notre chiffre d’affaires. Ce sont des marchés moins matures que la France sur ces sujets, mais nous y voyons un vrai potentiel. Aux US, on observe par exemple que certaines marques B2C y sont de plus en plus engagées, et mettent d’elles-mêmes des clauses dans leurs contrats demandant à leurs prestataires de s’engager sur leurs trajectoires d’émissions. Des marques comme Walmart et Airbnb, notamment, sont assez en avance là-dessus, même si cela peut paraître surprenant quand on connait l’adoption des sujets climatiques de ce côté de l’Atlantique. Nous voulons être les premiers sur place lorsqu’ils seront prêts à passer à la vitesse supérieure.
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