David Djaïz : Repenser la géopolitique du climat
Il fait partie de ces jeunes qui ont tout pour nous sortir de là. La tête bien faite, des idées, et de la suite dans les idées. David Djaiz est énarque, major de l’ENS, essayiste, ancien conseiller à l’Elysée, philosophe, entrepreneur. Il réfléchit à la démocratie, à la pertinence de l’Europe, au futur (possible?) du modèle français, à la révolution obligée des entreprises et plus largement du système, si nous ne voulons pas finir dans le caniveau.
Il a un pied dans la politique, un pied dans les entreprises, un oeil sur l’actualité et une voix dans les médias. Ce qui lui donne cette hauteur de vue que peu d’entre nous peuvent aujourd’hui revendiquer, mais aussi cette capacité à penser de manière globale et cohérente, notamment lorsqu’il s’agit d’envisager des solutions réalistes.
Dans Slow Démocratie, (publié aux éditions Allary en 2019 – prix du livre politique)) il dénonçait les écueils trop couteux de la mondialisation sur notre pays, et plaidait pour la reprise en main de notre destin à travers un Etat-Nation fort.
Dans Un nouveau modèle francais, (Ed Allary, 2021), il esquissait les contours d’un nouveau projet de société fondé sur un retour du long terme au coeur de nos institutions, une réindustrialisation verte de notre territoire, et le développement d’une économie du bien-être, créatrice de valeur et de liens sociaux à l’heure où le travail et l’emploi doivent être repensés.
Dans La révolution obligée, co-écrit avec le géographe Xavier Desjardins (Ed. Allary 2024), David Djaiz s’attaque au défi du siècle, celui de l’environnement, et à la façon dont l’Europe devrait réagir pour réussir sa transition, sans dépendre de la Chine et des US. Attention spoiler : pour le moment, c’est mal engagé.
David, pourquoi la révolution est-elle obligée ?
Partons d’un constat simple : en 2023, 83% de l’énergie primaire consommée dans le monde était d’origine fossile (pétrole, gaz, charbon) avec les conséquences catastrophiques que l’on connait, et qui nous obligent désormais à trouver une manière d’en sortir au plus vite. Or il faut se souvenir que quand le charbon est sorti de terre et a commencé à alimenter la planète en énergie ; il a marqué le début d’une révolution : celle de l’industrie, qu’il a rendue possible. Sortir de l’énergie fossile ne nécessite rien de moins qu’une nouvelle révolution, que nous avons trente ans pour réussir.
La marche est-elle engagée ?
Dans certains pays oui. La Chine s’est engagée à atteindre le neutralité carbone d’ici à 2060. Bien sur, elle continue d’ouvrir en moyenne deux centrales à charbon par semaine et n’a pas encore atteint son pic d’émissions, mais le pays envisage désormais le climat sous l’angle de l’industrie, en en faisant un vrai chantier national dont il pourra tirer profit.
Aujourd’hui la Chine produit une tiers de l’énergie décarbonnée du monde, opère 40 000 km de lignes de fer à grande vitesse. En 2008, c’était seulement 1000 km. En France, nous en avons 2800. A côté de cela, ils sont en train de s’arroger le monopole du photovoltaïque, sont de plus plus proactifs sur les pompes à chaleur, possèdent de plus en plus de métaux stratégiques, qu’ils acquièrent chez eux ou, en achetant des terres à l’étranger. Et l’entreprise chinoise BYD, dont on entend peu parler, est celle qui vend le plus de voitures électriques au monde devant Tesla, dont on parle tant.
La Chine a fait de la transition énergétique un chantier national
Pourquoi l’Europe ne parvient-elle pas à en faire autant ?
Parce que l’Europe est une machine à fabriquer de la norme, des règles, des obligations et interdictions, tout en ne proposant rien en contrepartie. L’Europe n’a pas de politique industrielle, mais écrase les membres sous des montagnes de contraintes. Autrement dit elle manie le bâton à la perfection, mais pas la carotte, tandis que les US, ou la Chine le font eux très bien, via des aides massives à leur industrie.
Il n’y a qu’à voir ce qu’il se passe avec l’agriculture, qui illustre nos contradictions : L’Europe continue de négocier des accords de libre-échange, comme par exemple avec le Mercosur, dont les membres sont bien peu regardants en terme de normes environnementales, tout en continuant d’imposer des contraintes énormes aux agriculteurs de son territoire.
Nous manquons de cohérence en matière commerciale, environnementale et industrielle, alors que les US et les chinois ont parfaitement compris que tout était lié.
En quoi la Chine est-elle selon toi un exemple de ce qu’il faudrait mettre en oeuvre en Europe ?
Les chinois ont matricé la transition écologique dans un projet national -ils même intégré le concept de civilisation écologique dans leur constitution. Et ce concept, même s’il reste un peu flou, fait désormais autant partie de l’imaginaire chinois que de sa stratégie au niveau national.
Les américains en ont fait de même, via l’administration Biden en subventionnant la production d’énergie décarbonée et l’accélération des transports verts. Là encore, l’’écologie s’inscrit dans une stratégie de réarmement productif. D’ailleurs, Biden avait déclaré que lorsqu’il pensait au climat, il pensait aux emplois. C’est une formule qui en dit long, soufflée d’ailleurs par son conseiller à la sécurité nationale, qui participait de plein droit à la réflexion sur le pacte climatique. C’est révélateur.
Mais dans les deux cas – Chine, US-, il se passe la même chose: l’Etat se met au service d’une transformation industrielle sans précédent.
Si nous n’en faisons pas de même en Europe, non seulement nous n’atteindrons pas nos objectifs climatiques, mais nous nous déclasserons en plus sur le plan économique et industriel par rapport aux US et à la Chine, qui eux ont bien compris que les enjeux industriels, climatiques et technologiques étaient liés.
L’Europe doit retrouver une cohérence en matière commerciale, environnementale et industrielle.
Pour autant, n’est-il pas question d’évolution plutôt que de révolution ?
La révolution obligée dont nous parlons est à la fois énergétique, industrielle et sociétale, puisque l’énergie est à la base de la société. Quand on change la base énergétique d’une société, on change sa manière de se déplacer, de vivre, de produire. C’est un changement qui peut être très vaste.
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