David Corona, ex-négociateur du GIGN : “Un dirigeant d’entreprise doit savoir négocier”
Comment négocie t-on face à des terroristes, des forcenés, des cybercriminels ou des preneurs d’otages retranchés derrière la porte de leur appartement, d’un hyper cacher ou d’une prison ? Comment apprend t-on à parler à des individus dangereux et imprévisibles, alors que l’enjeu est immense et la tension à son paroxysme ? Comment gère t’on ses émotions, sa concentration, son attention lorsque tout peut vaciller d’un moment à l’autre ? Et puis avant cela, comment devient-on négociateur au GIGN ? David Corona, qui pendant 12 ans a fait partie de ce corps d’élite, viendra partager aux Sommets son expérience en tant que négociateur du GIGN, et ce qu’il en a appris sur la gestion de crises, la psychologie humaine, le travail en équipe (et le courage, aussi). En amont de cette rencontre, nous lui avons posé quelques questions.
Qu’est-ce qu’être négociateur du GIGN ?
Être négociateur au GIGN consiste à s’interposer entre deux réalités violentes (l’actualité des dernières semaines à Gaza le montre encore) pour tenter de sauver des vies quelles qu’elles soient, en évitant de faire couler le sang. Mon rôle, là dedans, c’est avant tout de décortiquer un processus psychologique, et d’en proposer un autre, où l’attaquant pense être gagnant.
Depuis quelques temps, vous négociez également avec des cybercriminels…
Depuis 2017, pour être exact, année pendant laquelle j’ai géré pour le compte du GIGN le premier Ransomware confié à la Gendarmerie Nationale. Aujourd’hui, les cyberattaques sont extrêmement courantes, et les pirates ont recours à des techniques de plus en plus extrêmes.
Quelle a été votre expérience la plus marquante ?
J’en ai plusieurs comme vous pouvez l’imaginer, mais celle qui me vient quand je lis votre question est la dernière libération d’otage de ma carrière. Une petite fille de 2 ans enlevée à ses parents en Côte d’Ivoire, que nous avons réussi à récupérer au bout de 3 jours.
La négociation, notamment dans des prises d’otage, réussit-elle régulièrement ?
La négociation réussit dans 70% des missions.
“Le GIGN cultive la pédagogie par l’échec à l’extrême.”
Y a t’il des règles dans la négociation, ou est-ce un art ?
Il y a naturellement des règles – qui négocie ne commande pas et inversement par exemple- , des process, des fiches réflexes. Pour le reste, chaque négociation est différente, et c’est bien là que le côté artistique et les qualités d’adaptation et d’improvisation de chaque négociateur entrent en jeu.
Faut-il savoir négocier pour diriger et transformer une entreprise ?
On ne peut pas ne pas négocier en tant que dirigeant.e car on y gère de l’humain et un écosystème mouvant. Cette nécessité d’adaptation crée des frictions qu’on ne peut pas lisser autrement qu’avec des compétences de négociation.
Les temps sont très houleux et incertains pour le monde en général et les chefs d’entreprises en particuliers : que vous a appris votre expérience sur la navigation en eaux troubles ?
Garder le cap dans la tempête nécessite selon moi trois qualités principales :
La première, c’est d’avoir une bonne stabilité émotionnelle : il faut savoir accepter ses émotions et celles des autres. Le sang froid à toutes épreuves et l’absence d’émotions est un concept marketing vendeur mais à mon sens vendu par des personnes qui n’ont jamais réellement géré des situations extrêmement tendues. Ventiler ses émotions et laisser aux autres la possibilité de le faire est un gage de recouvrer rapidement de la lucidité dans la gestion de crise et la prise de décision.
La seconde, c’est de cultiver le réflexe d’évitement sain : Lorsqu’on vous apprend à piloter un véhicule au GIGN, la première chose qu’on vous apprend est d’arrêter de fixer l’obstacle (vous roulez trop vite pour vous arrêter) pour systématiquement chercher une échappatoire. Cela fonctionne à 220 km/h mais aussi en gestion de crise, lorsque vous passez plus de temps à rassembler et utiliser ce qui marche encore, plutôt que de vous morfondre devant la liste de tout ce qui a raté.
La troisième, c’est d’être masochiste: il faut considérer la difficulté comme une opportunité pour grandir, progresser et apprendre. Le GIGN cultive la pédagogie par l’échec à l’extrême afin de détecter et faire ressortir chez ses hommes l’humilité, la résilience et la confiance en soi et les autres. Ces qualités sont indispensables si l’on veut être performant dans un environnement hostile
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