Christopher Pratt : Les décisions à l’épreuve du grand large
“C’est curieux, chez les marins, ce besoin de faire des phrases”, faisait dire Michel Audiard à l’un de ses tontons flingueurs. Plus curieux encore, il y a ce besoin chez eux de prendre le large, d’aller se frotter aux éléments et braver les tempêtes, quitte à passer par dessus bord et en rester là. Et puis chez les coureurs au large s’ajoute à cela la quête de performance et l’attrait de la compétition. Un double moteur donc, pourtant poussé par les vents. Et dont Christopher Pratt parle si bien, avec des phrases et tout et tout.
Christopher, d’où vient ta passion pour la voile ?
Je suis né sur un bateau ou presque ! Enfant, j’ai fait beaucoup de croisières avec mes parents qui sillonnaient la Méditerranée chaque été. Très vite j’ai rêvé de compétition, mais étant fils d’enseignant-chercheur et soixante-huitards, il a fallu que je le batte quelques années pour avoir le droit de m’y atteler. Rapidement j’ai eu mes premiers résultats en dériveur, mais c’est le large qui me faisait rêver. Une image en particulier : celle de Florence Arthaud remportant la route du Rhum sur son trimaran doré. J’avais 10 ans et je me suis dit : c’est ça que je veux faire !
Qu’est-ce qui te plait dans ce sport ?
Ce qui me plait a évolué avec les années. Au début j’étais là pour la compétition. Je voulais gagner. Aujourd’hui, ce qui est le plus important pour moi, c’est d’être en mer, en contact avec la nature et les éléments, mais aussi de continuer à apprendre, d’innover et de chercher à aller plus vite sur des engins technologiquement passionnants !
“Un bon navigateur sait simplifier la complexité de son environnement pour aboutir à des process de décision rapides et efficaces”
Qu’est ce qu’un bon skippeur ?
Comme un bon entrepreneur ! Quelqu’un qui sait gérer ses priorités, anticiper, bien s’entourer et prendre les bonnes décisions; ou en tout cas limiter les erreurs. La course au large est un sport d’anticipation de stratégie, dans un environnement complexe et incertain. Le bon navigateur sait simplifier cette complexité pour aboutir à des process de décision rapides et efficaces.
Enfin, les plus grands navigateurs sont resilients et stables émotionnellement. Ils parviennent à conserver un niveau d’activation et de motivation pendant une transatlantique ou un tour du monde sans que les éléments extérieurs n’impactent négativement leur capacité à prendre des décisions et mener leur bateau …
Raconte -nous une expérience de course qui t’a beaucoup appris ?
Le pot au noir sur la transat Jacques Vabre 2019. A la sortie de ce pot de malheur, Jérémie Beyou et moi-même étions descendus 7e au classement, avec 200 miles de retard sur les autres, et étions en bien mauvaise posture, alors que nous avions fait la course en tête jusqu’à présent. Comment avons-nous fait pour remonter la pente, ne pas baisser les bras et abandonner ? La vérité, c’est que je ne sais pas. Mais la première chose qui me vient à l’esprit, c’est le principe de réalité. Quand nous avons compris que nous ne gagnerions pas, nous ne voulions plus qu’une chose : rentrer et retrouver nos proches, ce qui est devenu notre première source de (re)motivation. Ensuite, nous nous sommes appuyés l’un sur l’autre. A un moment donné, le silence s’est installé sur le bateau. Nous avons éteint les positions des autres bateaux : c’était trop dur de les voir passer un à un devant nous, d’autant que nous avions du mal à gérer notre rage et notre frustration. Et puis après un temps, on s’est tapé dans la main, on s’est pris dans les bras, et on s’est dit : “OK, on en est là, c’est pas de bol, on n’a pas mérité ça mais on va s’en sortir ensemble…”. Ce moment-ci est devenu une source de mobilisation.
Si on regarde cela avec peu de recul, cela ressemble à un deuil en accéléré. Et il se trouve que c’est ce que l’on sait de mieux en mieux faire, avec l’expérience de la course mais aussi de la vie. On fait son deuil. Puis on se remobilise pour la suite. L’expérience est vraiment une force.
De manière assez incroyable, vous avez finalement terminé 3e de cette course. Etait-ce une victoire ?
Au début, nous ne l’avons pas du tout vécu comme ça. Nous nous sommes approchés de l’arrivée avec un gout amer, celui de l’ingrate 3e place. Pourtant, à notre arrivée en France, nous avons découvert un engouement extraordinaire pour notre histoire, d’une intensité certainement supérieure à celle que j’aurais connue si, comme prévu, nous avions gagné, et ce sans surprise.
Pour moi, c’est l’illustration que le combat est souvent plus beau que la victoire, et que triompher dans la facilité, ça fait plaisir, mais ça ne fait pas rêver.
Qui est ton navigateur/trice préféré(e) ? Pourquoi ?
Loïc Peyron, sans hésiter. C’est le marin le plus éclectique et celui qui transmet le mieux sa passion au public. Enfant, je regarderais le documentaire retraçant son premier Vendée Globe en boucle. Je l’ai revu récemment et trouve toujours aussi incroyable l’état d’esprit et la maîtrise des navigateurs de sa génération, mais aussi celle qu’ils avaient à l’époque de la communication, alors que les outils n’étaient pas ceux d’aujourd’hui ! Pour moi, Peyron c’est un vrai maître Yoda !
Que vas-tu proposer pour ton atelier (au grand air !) aux Sommets ?
L’idée est de partager avec vous un de nos système signatures. C’est une règle qui se nomme “les trois R” … je n’en dis pas plus pour ne pas spoiler, mais c’est une matrice que j’utilise en course qui se transfère à merveille dans le monde de l’entreprise. Cet atelier nous permettra aussi d’échanger ensemble sur les enjeux business de chacun, toujours à l’aide de cette matrice !
————————————-
Les Sommets, qu’est ce que c’est ?
Les Sommets, ce sont 3 jours pour s’inspirer et respirer, et repenser l’entreprise de demain. Au programme, des masterclass, des échanges sans filtre, des interviews live, des ateliers indoor et outdoor, le fameux télécabine pitch, des déjeuners, des diners, et enfin des soirées dont les Sommets ont le secret.
Avec en filigrane l’objectif de créer de nouvelles connexions : entre les neurones, entre les problématiques, entre les gens.
Envie de nous rejoindre, seul ou avec votre équipe ? D’organiser votre séminaire aux Sommets ?
N’hésitez pas à nous contacter sur contact@les-sommets.fr