Camille Charvolin : Passer le cap de la ménopause avec Joïsta
“On sait bien, écrivait Sigmund Freud, qu’après avoir perdu ses fonctions génitales, le caractère des femmes subit des altérations particulières conduisant ces dernières à devenir conflictuelles, vexantes et dominatrices”. Voilà qui était dit… Et qui explique -en partie- l’immense tabou qui pendant si longtemps a contraint les femmes à garder le silence sur le phénomène un brin honteux de la ménopause.
Puis les temps ont changé, et les femmes, peu à peu, se sont mises à parler : de leur corps, de leur sexualité, des difficultés de la maternité, de la difficulté à vieillir. Et donc, de la ménopause, dernier tabou qu’il fallait lever dans une société où la jeunesse est religion, comme l’illustre l’offre pléthorique de produits anti-âges, tandis que les solutions destinées à aider les femmes à mieux vivre leur ménopause se font encore rares. Il faut dire que le sujet est moins vendeur que la jeunesse éternelle, et autrement plus complexe.
Car si Freud avait bien raison sur quelque chose, c’est que la ménopause n’est pas une épreuve anodine : plus de 80% des femmes en subissent les symptômes et déclarent relativement mal vivre cette phase de leur vie, pendant laquelle leur corps, leur biologie et leur psychologie sont mis à l’épreuve.
Banco, s’est dit Camille Charvolin, qui a décidé de prendre le taureau par les cornes : avec Joïsta, elle se donne pour mission d’accompagner les femmes dans le grand voyage de la (péri)ménopause, pour en alléger le fardeau -c’est la première étape-, mais aussi pour en révéler le pouvoir.
Camille, tu faisais une belle carrière dans de belles enseignes… Pourquoi avoir arrêté sur ta lancée pour fonder Joïsta ?
Parce que comme nous le rappelle la ménopause, le temps passe ! L’idée d’entreprendre n’est pas récente ; je l’avais depuis longtemps, mais que j’avais laissée de coté, lui préférant le confort de bons jobs dans des groupes et secteurs intéressants. De fait, j’ai longtemps été prudente : j’ai fait une école de commerce (l’ESCP), puis ai commencé dans les médias (le groupe Express, Prisma group), avant de faire du conseil, et de retourner dans l’édition, chez Hachette. Comme j’ai toujours eu à coeur de rester dans le coup et de m’assurer un maximum d’opportunités de développement de carrière, je me suis ensuite intéressée au digital, sentant bien que cela deviendrait une compétence clé. J’ai alors rejoint le groupe Ebay, puis Greenweez, dont j’ai été directrice marketing, avant de rejoindre un groupe anglais de vente de matelas en ligne, pour lequel je développais la filiale française. Lorsque les dirigeants de la boite ont décidé de clore l’aventure française, je me suis dit que l’heure était venue de me lancer. J’ai compris que mon émancipation passerait par là, que je devais essayer.
Est-ce à ce moment là que tu as eu l’idée de t’attaquer au sujet de la ménopause ?
C’est à ce moment là que je me suis replongée dans mon carton d’idées, toutes ces idées de business qui me sont passées par la tête à un moment ou un autre de ma carrière. Il y avait des idées très diverses, mais j’y ai trouvé un certain fil conducteur : les seniors. Pour une raison que je n’explique pas forcément, c’est une population qui m’a toujours intéressée. Et puis le déclencheur final a été une information, ou plutôt un chiffre sur lequel je suis tombée au cours d’une lecture, et qui disait que l’espérance de vie en bonne santé d’une femme était de 65 ans. Pour moi, qui suis fille de médecin et ai toujours été un peu préoccupée par l’idée de bien vieillir, ça a joué comme un déclic. J’ai décidé de creuser un peu le sujet, et en tirant le fil, j’ai découvert que tout se jouait d’une certaine manière à la ménopause, que quatre femmes sur cinq disent plus ou moins mal vivre.
Or, comme la grande majorité des femmes qui ne sont pas encore ménopausées, je n’avais ni conscience de ce problème, ni connaissance du sujet – ce qui est assez fou car nous allons toutes y passer ! J’ai alors décidé de m’emparer du sujet, et quelques mois plus tard j’ai décidé de lancer Joista.
Quatre femmes sur cinq reconnaissent mal vivre leur ménopause
Joïsta propose d’accompagner les femmes dans toute la période entourant la ménopause. Comment as-tu choisi de faire ça ?
D’abord, il faut savoir que la ménopause est une période qui dure environ dix ans, qui commence bien avant l’arrêt des menstruations et se prolonge après. Les changements hormonaux qui ont lieu pendant cette période fragilisent et changent le corps sur un temps assez long, tout en impactant également la psychologie des femmes. Ce n’est pas un hasard si les femmes sont les plus enclines à divorcer pendant cette période et à prendre des anti-dépresseurs. L’objectif de Joista est d’accompagner toute cette période et d’en alléger les symptômes pesants, en proposant d’une part un diagnostic en ligne, à travers lequel les femmes peuvent faire le point sur leur situation, et d’autre part des solutions pour mieux vivre cette étape importante de leur vie. Il y a donc un volet éducatif gratuit, dans lequel nous partageons des informations sur la ménopause, et un volet « bien-être », qui propose des compléments alimentaires et cosmétiques adaptés aux besoins des femmes traversant ces changements hormonaux. Enfin, Joista propose un volet « coaching », afin d’adresser également les besoins d’accompagnement sur les plans nutrition, sport et gestion du stress, que certaines femmes pourraient avoir envie de s’offrir, notamment lorsqu’elles se sentent émotionnellement fragilisées
La ménopause, longtemps taboue, semble avoir le vent en poupe depuis quelques temps, avec de plus en plus de prises de parole publiques, des podcasts consacrés au sujet… comment expliques-tu que tout cela ait lieu (seulement) maintenant ?
La prise de parole sur la ménopause s’inscrit à mon sens dans une décennie féministe pendant laquelle les tabous ont été levés les uns après les autres. Cela a commencé avec me too, puis les femmes ont commencé à parler des tabous liés à la maternité, puis la sexualité. La ménopause était en quelque sorte la dernier tabou à lever, probablement parce que les femmes qui prenaient la parole sur d’autres sujets n’étaient pas encore concernées. Le fait que des personnalités comme Michelle Obama ou Naomi Watts s’emparent du sujet a permis de le mettre ur la table, et de l’aborder autrement. Jusqu’à présent, lorsque les femmes ne se sentaient pas bien et allaient consulter un médecin, ces derniers leur prescrivaient des anti-dépresseurs, sans trop chercher à agir sur la cause du problème. Nous savons désormais que le sujet peut être traité différemment.
Parle-nous un peu de la FemTech, ce marché de 55 milliards d’Euros qui semble se développer à grande vitesse ?
Le business a sérieusement commencé à se développer autour de la ménopause à partir de 2019, d’abord aux Etats-Unis et au Royaume Uni. Les solutions proposées portaient sur différents secteurs. On a vu arriver des devices liés à la digital health, des bracelets connectés, des compléments alimentaires, des hormones… En France, les initiatives sont plus récentes. Il y a l’entreprise Omena qui s’est développée autour de la partie comportementale. Mais jusqu’à il y a peu, il n’y avait pas de produits sur le volet bien-être. Même si les labos pharma ont toujours eu quelques produits un peu « tout en un » de la ménopause dans leur catalogue, l’offre reste limitée. Moi j’ai voulu penser un accompagnement spécifique autour de la ménopause, tout en adoptant une approche holistique du « problème ».
Alors précisément, tu es la seule fondatrice de Joista… Pourquoi avoir choisi de lancer ce projet seule, quand la plupart des start-ups comptent plusieurs co-fondateurs ?
On me pose souvent la question…. C’est un choix, car j’avance plus vite seule d’une certaine manière. Mais je suis extrêmement bien entourée. C’est l’avantage de lancer une boite quand on a plus de quarante ans. On sait comment on fonctionne le mieux, et on sait s’entourer de personnes clés. Et puis je ne suis pas seule pour développer les produits, bien sur. Je me suis entourée d’une gynéco sexologue expérimentée, d’une nutritionniste formidable (@0sucreetIGbas) et de deux pharmaciennes pour développer les produits. Sur le volet plus business, je suis également entourée de mes premiers investisseurs, qui ont tous monté des boites et ont une expérience précieuse sur laquelle je peux compter.
J’ai choisi de fonder Joïsta seule, car je suis très bien entourée
Que viens-tu faire aux Sommets ?
J’en ai entendu beaucoup de bien par des proches qui y participent. Je me suis donc laissée tenter car s’il y a bien quelque chose dont j’ai de plus en plus conscience, c’est de l’importance du réseau. C’est étrange d’ailleurs, car j’ai longtemps sous-estimé ce point au cours de ma carrière, mais maintenant que j’ai lancé ma propre entreprise, je réalise combien il est précieux et riche d’entretenir des liens avec des pairs, en toute confiance. C’est à travers la rencontre avec d’autres entrepreneurs ou dirigeants que je progresse. Et puis la programmation de cette année est formidable.
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Les Sommets, qu’est-ce-que c’est ?
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