Entretien avec Christophe Haag
Chercheur, auteur et professeur à l'EM Lyon
Christophe Haag est professeur à l’EM Lyon et écrivain. Il se définit sobrement comme un explorateur de l’univers infini des émotions, de l’intelligence émotionnelle, de l’intuition et du bien-être. Il partage ses découvertes et réflexions dans des livres, des articles de recherche, mais aussi à travers sa web-émission, dans laquelle il reçoit des personnalités au parcours inspirant (Bernard Weber, Frédéric Lopez, …) et décrypte avec eux leur « empreinte émotionnelle ».
Avec sa collègue le Dr. Lisa Bellinghausen, il a aussi développé un test d’intelligence émotionnelle à destination des managers et des dirigeants. « Car un dirigeant ayant un faible quotient émotionnel peut facilement se transformer en enflure toxique qui peut pourrir la vie de ses équipes », remarque t’il. Mauvaise nouvelle: il ressort que moins de 2% de la population de managers a un quotient émotionnel élevé. Bonne nouvelle: il est possible d’améliorer son quotient émotionnel gràce à la plasticité cérébrale.
Dans cet entretien en amont des Sommets, c’est néanmoins de son dernier sujet de prédilection qu’il nous parle, à savoir la chance, dont il est convaincu qu’elle peut se provoquer. D’autant que pour s’adapter au contexte actuel, il est essentiel de comprendre comment « concrètement » transmuter la malchance en opportunités.
Vous avez récemment travaillé sur la chance, essayant de comprendre ce que les personnes chanceuses avaient de plus que les autres. Vous pouvez nous parler de cette enquête extraordinaire ?
Le mot CHANCE m’a toujours fasciné. Il est énigmatique, presque magique.
Il peut faire peur, susciter la jalousie mais aussi donner de l’espoir. Et cela fait longtemps que le superstitieux que je suis avait envie de creuser l’idée.
Après avoir passé des nuits blanches à combattre mes propres peurs nourries de tout un tas de croyances et autres superstitions infondées, je me suis donc lancé dans l’aventure.
Comme je suis obstiné, j’ai enquêté pendant trois ans, cherchant à la fois des récits d’aventures et des découvertes scientifiques étonnantes autour de la chance.
Pourquoi des histoires extraordinaires? La chance est-elle extra-ordinaire?
J’aime explorer l’extra-ordinaire car je suis convaincu que c’est en explorant des univers « extraordinaires » qu’on peut, paradoxalement, mieux comprendre les phénomènes et choses « ordinaires » de notre quotidien.
Vous avez interviewé des chasseurs de trésors, un spécialiste des requins, des stars américaines du survivalisme, un rescapé tres spécial du Bataclan etc. Que vous ont-ils appris sur la chance?
Pour faire court, ils m’ont appris qu’on pouvait, d’une certaine manière, aimanter la chance. Il y a certaines clés, certaines manières de l’attirer. Ensuite, les réflexions d’autres référents sur le sujet (Philippe Gabilliet, Stéphane Allix, Lise Bourbeau, Pierre-Marie Lledo) m’ont aussi fait réaliser que les persones chanceuses étaient surtout des personnes qui étaient capables de transformer le négatif en positif.
Quelle rencontre vous a le plus marqué ? Et quelle leçon en avez-vous tiré pour « booster » sa chance ?
Toutes ces rencontres m’ont fasciné, certaines mêmes bouleversé. Prenez par exemple celle avec Annette, la seule survivante du vol 474 de la compagnie Vietnam Airlines qui s’est écrasé le 14 novembre 1992. Elle a, chose extraordinaire, survécu huit jours dans la jungle vietnamienne, les deux jambes et la mâchoire cassées, avec un seul poumon qui marchait encore. Annette, qui était l’une des toutes premières femmes trader à Wall Street a une force mentale incroyable. Elle se définit aujourd’hui comme une malchanceuse-chanceuse. Annette m’a expliqué, face à des coups de malchance, comment nous pouvions modifier notre vision de la situation, maîtriser l’espace-temps. Elle conseille également de ne pas se comparer à plus chanceux que soi, de garder son sens de l’humour, tenter de devenir un « Yes Man » à certains moments. Autre point intéressant, elle nous conseille aussi de penser dans sa seconde langue pour prendre la bonne décision…
Sénèque disait que la chance, c’est quand la préparation et l’opportunité se rencontrent. Quelle est votre définition de la chance? Est-ce uniquement une histoire de préparation et de timing ?
Il faut, comme me le précise les experts du sujet, distinguer la chance « isolée », le coup de chance, concours de circonstances improbable et unique (ex : gagner au Loto) de la chance « durable ». C’est cette dernière qui m’intéresse et qui peut se provoquer.
Quels sont les facteurs clés de la chance ? Pourquoi certains en ont, et d’autres pas ?
Il y a la « préparation » (dixit Sénèque) certes, mais pas que bien sûr. Plusieurs travaux contemporains sur le sujet conduisent à dégager cinq attitudes et comportements propres à accroître notablement, surtout lorsqu’on les additionne, notre capital chance. J’ai pu le vérifier à travers différents témoignages. S’ajoutent à ces facteurs d’autres facteurs (quelques fois très surprenants) que mon enquête met en lumière : des comportements, des états d’esprit, une hygiène de vie, des manières de penser sa propre existence et son environnement, et qui viennent littéralement « booster » la chance ou transformer la malchance en chance (ces deux-là étant les faces d’une même pièce).
Peut-on apprendre à provoquer sa chance?
Ma réponse, après cette enquête, ne s’écrit qu’avec des voyelles.
Vous avez accepté de participer à la prochaine édition des Sommets. Quel est le message que vous aimeriez passer à nos participants (des décideurs du monde économique) à cette occasion?
Le hasard ne frappe jamais par hasard.
Propos recueillis par Sophie Guignard.
Retrouvez-nous aux Sommets les 28, 29 et 30 mars prochains à Annecy pour plus d’échanges inspirants. Tout le programme est à retrouver ici :