“Il faut réinventer le modèle type du leader“

L'interview de Laura Lesueur

Entrepreneure et conférencière

Laura Lesueur

Elle a grandi avec les valeurs de l’accomplissement et du travail. Son père lui disait de faire ce que bon lui semblait, quel que soit le métier, mais de le faire avec passion et dépassement de soi. Elle a compris il y a plusieurs années que sa raison d’être était de faire porter sa voix pour transmettre ses convictions, en essayant de motiver et d’inspirer le plus grand nombre.

Son entreprise, Legendaily, rejoint cette ambition : par ses conférences et ses formations, elle essaie de transmettre des clés pour construire sa légende personnelle au quotidien.

Son podcast, Legend Ladies, fait porter la voiX de celles qui montrent la voiE. Celles qui concoivent l’ambition comme le courage d’oser se réaliser.

Ton podcast et tes conférences parlent beaucoup de leadership, notamment féminin : quelles sont selon toi les qualités du leader / de la leader de demain ? 

J’aime à croire que le leadership n’a pas de genre.

Les modèles de leaders tels que nous les avons connu jusqu’à aujourd’hui en avaient un qui prédominait dans les sphères d’influence :  celui d’un homme blanc de plus de 50 ans souvent issu d’un parcours d’élite.

Le fait est que ce genre de leaders nous ont mené à la société actuelle, dans laquelle il existe du bon – tout n’est pas à jeter – mais aussi du moins bon, voire même des constats alarmants, que ce soit au niveau écologique, social ou même politique.

Face aux enjeux majeurs qui sont les nôtres, le modèle “type” du leader est donc à réinventer.

Les lignes bougent, les femmes y ont une place à prendre et elle sera centrale. Je crois qu’il est aussi clé d’intégrer plus de diversité.

Il existe par ailleurs des intangibles liés au leadership : aujourd’hui comme demain le leadership s’accompagne d’une vision forte capable de susciter l’envie et d’embarquer les autres mais également de faire la part belle à l’écoute, l’empathie, le “care” (soin aux autres), l’intelligence émotionnelle, la coopération (le fait de faire, d’opérer ensemble) et même la vulnérabilité, généralement perçue comme antinomique du leadership.

 

“Il faut oser pour être légitime. Pas l’inverse.”

 

As-tu des exemples de femme inspirante en terme de leadership, et pourquoi? 

Des femmes comme Sanna Marin, Jacinda Arden, sont inspirantes car elles sont des femmes d’état qui gouvernent sans pour autant chercher à mimer les codes des leaders masculins. Elles dirigent des pays, élèvent des enfants, ne renoncent pas à leur vie personnelle tout en imposant (et en assumant) leur style et leur singularité.

Anne Nivat m’inspire également beaucoup : en tant que reporter de guerre, elle a toujours tenu à affirmer son indépendance. Elle assume sa pluralité : celle d’être une femme, très féminine quand elle le souhaite, et à la fois sérieuse et battante. Elle prouve que nous ne sommes pas, notamment en tant que femmes, obligées de choisir “notre camp”. Nous pouvons être plurielles et l’assumer. Je trouve cela puissant car cela demande de “s’autoriser à”.

J’aime aussi beaucoup Elisabeth Badinter, pour toutes les batailles qu’elle a menées.

Il en existe bien sûr beaucoup d’autres.
Il s’agit désormais de les rendre plus visibles, c’est tout l’objet de mon podcast Legend Ladies.

 

“L’audace suppose d’abord de remettre en jeu ses schémas préconçus, de ré-interroger ses propres certitudes et de changer ce qui doit être changé”

 

Tu encourages beaucoup l’audace : pourquoi est-elle à ton sens si importante pour réussir? 

Oui, je crois que l’audace est indispensable.

L’audace, ce n’est pas juste sauter d’une rive à l’autre. Elle doit se jouer en deux temps : d’abord au niveau de la pensée, en ayant l’audace de remettre en jeu ses schémas préconçus, de réinterroger ses propres certitudes et de changer ce qui doit être changé. Ensuite, au niveau de l’action bien entendu, sans quoi rien n’est faisable.
Ce passage à l’action, j’y crois beaucoup. Il demande de se défaire du regard des autres, d’accepter de ne pas tout maîtriser, que certaines réponses viennent en marchant, d’embrasser sa vulnérabilité puisque l’on se lance avec une part d’incertitude, de se détacher de la perfection. Il faut oser pour être légitime. Pas l’inverse.

Aux Sommets, nous parlons transformation : du monde, des organisations, des hommes : qu’est ce que cela t’inspire? Que voudrais-tu contribuer à transformer? 

Les portes du changement s’ouvrent de l’intérieur comme disait Jacques Salomé.
Cela fait aussi écho à la phrase de Gandhi : “Soyez le changement que vous souhaitez voir dans le monde”.

J’y crois beaucoup.

À mon échelle, mon métier de conférencière va dans ce sens, dans cette volonté : celle de contribuer à la transformation des manières de pensées et de vision du monde.

Nous devons je crois envisager le monde en 3 dimensions, intrinsèquement liées les unes aux autres : le lien à nous même (c’est tout le travail du développement personnel), le lien aux autres (on ne peut pas vivre seul, nous sommes tous liés et interdépendants) et le lien au monde (à commencer bien entendu par le Vivant et l’environnement).

Aujourd’hui, nous avons toutes et tous plutôt conscience des grands enjeux, mais pourtant, nous bougeons trop lentement. Nous n’avons pas réellement intégré ce qui se joue, cela demeure encore “un effort” pour nous de changer certains comportements.

Pourtant, il y a urgence.

 

 

Propos recueillis par Sophie Guignard.

 

 

 

Pour plus d’échanges inspirants, rendez-vous aux Sommets les 3, 4 et 5 avril 2023 à Méribel.