Anne Imbert
Directrice marque, publicité et contenus chez Orange
Comment une marque gigantesque comme Orange, qui fait partie des 100 marques internationales les plus puissantes, gère t’elle l’atout crucial qu’est son image de marque? Quel positionnement adopte t’elle face aux clients de ses différents services, eux-mêmes repartis dans les 26 pays où elle opère? Quel message adresse t’elle à ses 140 000 salariés, à ses parties prenantes, et de manière plus générale à la société, dont elle est un acteur important?
En amont des Sommets, Anne Imbert, directrice marque, publicité et contenus chez Orange, nous parle de la stratégie de communication d’une marque emblématique, dont les services sont devenus incontournables à l’ère de l’hyperconnectivité.
Orange opère dans 26 pays, depuis la France au Botswana en passant par l’Egypte, jonglant avec des usages, des cultures et des attentes différentes d’un pays à l’autre: comment, dans ce contexte, votre stratégie de marque s’articule t’elle?
Notre rôle à la direction de la marque, de la publicité et des contenus est d’abord de nous assurer que la marque Orange peut continuer à être utile et vivante dans tous les endroits où elle opère. Autrement dit, il s’agit de veiller à ce qu’elle parle et continue de parler à une diversité de publics, de pays et même de types de clients -puisque nos services incluent des services aux entreprises des services financiers mais aussi d’autres types d’activités comme les contenus, ou l’énergie-. Cela demande une vraie capacité d’écoute et d’adaptation. D’autant qu’Orange n’est pas leader dans tous les pays où nous opérons, ce qui vient aussi nécessairement impacter notre communication.
Le travail que vous avez effectué au cours de ces dernières années pour définir votre raison d’être a t’il eu un impact sur votre stratégie globale de marque?
Le travail sur la raison d’être du groupe a commencé il y a plus de trois ans, à l’initiative de Stéphane Richard. Il s’est principalement effectué via Twitter, de manière très ouverte, puisque tous les salariés pouvaient y participer quel que soit leur pays ou leur fonction. A la communication, nous avions déjà une signature de marque (« Vous rapprocher de l’essentiel »), qui illustrait notre mission. Mais le fait de définir une raison d’être au niveau global a effectivement eu des impacts forts. D’abord, il a eu pour vertu d’inscrire notre mission dans les statuts d’Orange, donc d’en faire une boussole non seulement pour la communication mais pour tous les services du groupe. Ensuite, cela nous a encore plus obligés à transformer notre discours en actes.
Concrètement, cela veut dire quoi? Faut-il comprendre que vous êtes passés à la vitesse supérieure?
Une raison d’être doit s’accompagner de preuves, aussi bien internes qu’externes. Il faut la rendre explicite et vivante pour qu’elle ait du sens. Pour nous, concrètement, cela veut dire que nous sommes passés d’une communication sur nos engagements à une communication engagée .Et pour cela, il a fallu transformer nos pratiques afin de nous assurer qu’elles étaient en cohérence avec notre discours. Aujourd’hui, on ne peut plus se louper, ou faire semblant. Il faut absolument être cohérents.
Quels sont, justement, vos engagements?
Le virage de l’engagement a été pris dès 2015, sous l’impulsion de Béatrice Mandine (direction de la communication). Nous nous sommes d’abord attaqués à la sécurité routière, puis au recyclage des téléphones portables, puis à l’égalité numérique. Orange, par les services qu’elle propose, est au coeur d’enjeux sociétaux majeurs. Nos campagnes de pub traitent aujourd’hui de ces trois sujets là: nous ne voulons pas uniquement mettre des produits ou services en valeur, mais montrer à quoi ils servent, ce que nous pouvons en faire, comme avec la 5G, qui ouvre de formidables opportunités.
N’est-il pas également attendu que vous parliez également des usages négatifs et des potentielles dérives liées aux services que vous proposez ?
Bien sur, nous sommes conscients des dangers liés à Internet, comme les problèmes d’addiction aux écrans, de harcèlement, de violence. Nous nous devons d’en parler, et de promouvoir les usages responsables de nos services. Nous ne pouvons pas non plus ignorer le problème de pollution numérique, et devons aussi faire notre part du travail à ce niveau. Cela passe par un ensemble d’actions concrètes , comme accélérer sur l’économie circulaire ou concevoir des produits et services, en les dotant par exemple de fonctionnalités permettant de limiter ou contrôler les usages (contrôle parental). Sur ces sujets là, nous avons toujours été très précurseurs, et sommes en amélioration constante.
Nous poursuivons en parallèle la sensibilisation faites à nos clients en leur donnant les moyens d’agir eux-mêmes de manière plus responsable. Après, il est vrai que nous ne pouvons pas non plus tout contrôler. Nous devons faire notre part du travail bien sur, mais nous ne pouvons pas aller trop loin non plus dans le contrôle des usages et des contenus, qui ne sont pas de notre ressort. Les consommateurs sont responsables de leurs choix et usages, et nous ne pouvons pas, par exemple, nous substituer aux parents en ce qui concerne le contrôle parental. C’est toute la question -et un débat, vieux comme le monde-, du libre-arbitre.$
Cela ne pose t’il pas aussi la question du renoncement? Quand on est une entreprise dont le business model repose sur la consommation d’internet, il ne doit pas être évident d’en promouvoir l’usage modéré…
Il est vrai que notre business model repose sur la connexion. Nous savons que l’hyper-connexion s’accompagne de dangers, mais nous sommes en même temps complètement convaincus des bénéfices que la connectivité peut apporter à la société, qui nous semblent être plus importants que les dégâts qu’elle peut causer. Mais, pour en revenir à la raison d’être, il est clair qu’il faudra, de plus en plus, être prêts à certains renoncements pour être cohérents. Il ne suffit pas de compenser les effets et usages négatifs que nous engendrons potentiellement, il faudra aussi se montrer capables d’aller au bout de la logique, peut-être en cessant de proposer des services que nous proposions avant. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles nous travaillons beaucoup plus étroitement qu’avant avec la direction du marketing, pour, là encore, nous assurer de la cohérence entre ce que nous disons, vendons et faisons. Nous progressons énormément à ce niveau là.
Votre service s’occupe également de la production de contenus propres, qui ces dernières années ont explosé. Vous produisez notamment des podcasts, des vidéos, et travaillez en parallèle de plus en plus avec des influenceurs. Quelles sont les raisons de cet investissement?
Comme nous en parlions précédemment, nous avons à coeur d’être proactifs sur les sujets sensibles et de faire notre part de sensibilisation et d’information. Notre podcast, le Mémo, propose un décryptage du numérique et de son impact. Nous nous servons de notre réseau d’experts pour proposer des contenus informatifs et de qualité, qui nous amène par exemple sur des sujets comme les câbles sous-marins, ou la cybersécurité. Nos contenus nous servent également à adresser les questions du moment, que nous cherchons là aussi à décrypter. L’année dernière, nous avons donc beaucoup parlé de la 5G et du débat qu’elle générait. Nous utilisons aussi nos contenus pour pousser nos engagements, notamment l’inclusion digitale et l’égalité numérique. Quant aux influenceurs, c’est un peu différent car ce sont eux qui produisent leurs propres contenus à leur manière, sur la base de suggestions que nous leurs proposons.
N’est-ce pas un peu difficile, pour une marque aussi importante qu’Orange, de faire confiance à des tierces personnes pour parler de votre marque et/ ou de sujets qui vous sont chers?
Il est évident que cela suppose un lâcher-prise assez inédit. Mais c’est en quelque sorte le prix à payer si nous voulons ouvrir notre message et toucher des cibles que nous peinons à atteindre avec notre communication classique. Orange n’est pas, une marque qui parle toujours aux jeunes. Avoir recours à des influenceurs et producteurs de contenus indépendants, comme Hugo Décrypte ou Micode, suppose certes de leur laisser une marge de liberté assez insolite, mais cela se révèle souvent être une stratégie gagnante, pour peu qu’on les choisisse bien. Ils sont bien plus capables de rendre la marque attirante et cool que nous. Et ils ont une telle capacité à générer de l’engagement! Le risque, parfois, est justement qu’ils soient trop puissants, et fassent quasiment oublier la marque qui les sponsorise. En Afrique notamment, il y a de véritables stars, qui peuvent parfois être trop gros pour nous. Heureusement, nous avons des outils qui mesurent le degré d’association du contenu à la marque, et nous permettent de voir lorsque le lien ne se fait pas entre la marque et le contenu proposé.
Propos recueillis par Sophie Guignard.
Pour plus d’échanges inspirants, rendez-vous aux Sommets les 28, 29 et 30 mars 2022 à Annecy.
Le lien vers notre podcast LE MEMO qui décrypte l’actualité du numérique :
https://www.orange.com/fr/le-memo
Un lien vers la marque Orange et nos engagements à transformer nos pratiques pour mettre en accord nos paroles et nos actes :
https://www.orange.com/fr/engagements/la-marque/la-marque-orange