Interview de Jonathan Benhamou
Fondateur de PeopleDoc et de RésilienceCare
Jonathan Benhamou a grandi près de Grenoble, puis étudié à HEC, avec, déjà, un penchant pour l’entrepreneuriat. Il a 24 ans et un diplôme tout frais lorsqu’il lance donc, avec 3 de ses compères, sa première boite, dont l’idée consiste à remplacer les boîtes aux lettres par un outil digital de stockage de documents. Les débuts sont laborieux, la structure vivote. Deux ans plus tard, ils « pivotent » donc, faisant évoluer leur produit vers une solution de digitalisation des bulletins de paie. Une offre de rachat par la Poste déclinée et quelques grosses décisions stratégiques et humaines plus tard, ceux qui ne sont désormais plus que deux prennent leur envol. En 2014, Jonathan part ouvrir et diriger la filiale de PeopleDoc à New York, qui s’ajoute à l’ouverture de six autres bureaux. La boite grandit, dégotte de gros contrats, fait son bout de chemin. En 2018, 11 ans après sa création, elle est finalement revendue à une société américaine du Nasdaq pour 300 millions de dollars. Après quelques mois à faire le point, déménager et investir dans des start-ups, Jonathan remet le couvert. En 2021, il lance, avec Céline Lazorthes (fondatrice et ex-PDG de Leetchi), une nouvelle start-up, Resilience, dont l’objectif est d’accompagner les personnes atteintes du cancer dans leur parcours de soin.
Après la vente de PeopleDoc, 11 ans après l’avoir créée, tu t’étais juré de ne pas remonter de boite. Ta promesse aura été de courte durée… Pourquoi as-tu si rapidement changé d’avis?
La vie de startupeur est vraiment usante. PeopleDoc, ça a été 11 ans de galères et de montagnes russes. Je n’avais plus envie de revivre ça. Après la vente, je me suis pris un an et demi off, pour m’occuper de mes enfants, faire d’autres choses. Et puis le COVID est arrivé, et j’ai lancé, avec quelques autres entrepreneurs de la tech, une initiative appelée « Protège ton soignant ». L’idée était de commander du matériel médical sans intermédiaire auprès de fournisseurs de confiance, puis de les redistribuer aux soignants, ce qui leur faisait gagner un temps précieux. Et pendant que je me consacrais à ça, et voyais les résultats qu’on avait, j’ai réalisé deux choses: 1) que j’aimais aider les autres, et 2) que j’avais envie de continuer à monter des trucs.
Tu avais un doute sur tes compétences?
J’ai toujours un peu eu le syndrome de l’imposteur. Avec PeopleDoc, qu’on a très bien revendu, je me suis demandé si on n’avait pas eu un coup de bol. Recommencer à entreprendre, au delà d’en avoir eu envie, visait aussi je crois un peu à me prouver que nous n’avions pas uniquement eu de la chance.
Pourquoi t’être lancé dans le secteur de la santé, soit un secteur que tu ne connaissais pas du tout?
Pour deux raisons: la première, c’est que j’avais envie de recommencer à apprendre. M’aventurer dans un univers que je connaissais pas. La seconde, plus profonde encore, c’est que j’avais envie de créer quelque chose qui ait de l’impact. J’avais vraiment envie et besoin de faire quelque chose pour les autres. Et dans la santé, Céline (Lazorthes) et moi avons vraiment vu qu’on pouvait faire quelque chose de significatif, qu’on pouvait véritablement révolutionner le secteur. Fondamentalement, c’est ce défi là qui m’anime. Ce qui me motive, ce n’est pas de gagner de l’argent (ou plus), c’est celui de transformer une industrie.
Et puis si on recommence effectivement de zéro en terme de connaissance du secteur, le fait que Céline et moi ayons déjà tous les deux monté et revendu des boites nous fait gagner un temps fou. Je dirais qu’on a gagné environ trois ans, grâce à notre CV, notre réseau, notre expérience.
D’où l’ampleur de votre ambition…
Ce qui est sûr, c’est qu’on ne fera pas un petit truc.
A titre personnel, tu investis également dans des start-ups. Comment les choisis-tu?
J’investis via mon family office avec mon associé de PeopleDoc Clement Buyse. Clairement, nous n’investissons que dans des boites n’ayant pas d’impact négatif. Nous avons un focus évidemment sur les éditeurs de logicels Saas mais il y a aussi des choses intéressantes dans la food tech, dans l’énergie, dans la santé, bien sûr.
Et le Metaverse?
Le Metaverse me fait peur. J’y vois un gros potentiel de dérive. Pour moi, ça revient à mon sens à donner de la coke à un mec dépressif. Si quelqu’un ne va pas bien, il pourra toujours aller se réfugier dans son univers parallèle et fuir une réalité qui ne lui plait pas de manière artificielle. Globalement, cela ne m’inspire rien de bon…
Propos recueillis par Sophie Guignard.
Pour plus d’échanges inspirants, rendez-vous aux Sommets les 28, 29 et 30 mars 2022 à Annecy.